La véritable histoire de John Nash, bien plus sombre que celle que le film “Un homme d’exception” nous a montrée

Histoires
Il y a 4 ans

Avant, seuls les scientifiques savaient qui était vraiment John Nash. Mais le film Un homme d’exception, avec Russel Crowe dans le rôle principal, a permis au grand public et au reste du monde de découvrir la vie de ce personnage hors du commun. Malheureusement, la version hollywoodienne a, de l’aveu même du principal concerné, idéalisé le mathématicien. La bonne nouvelle, c’est qu’un documentaire, beaucoup plus proche de la réalité, a également été tourné sur ce grand homme. Il s’agit du film A Brilliant Madness.

Chez Sympa nous avons décidé d’appréhender la vie de ce scientifique d’un autre point de vue. Nous avons donc lu le livre Un homme d’exception, dans lequel nous avons pu recueillir bien plus d’informations biographiques que celles apportées par le film homonyme.

Jeunesse et années à l’université

Enfant, Nash détestait les mathématiques, et n’a jamais réussi à avoir de bonnes notes à l’école. Dans son autobiographie, il raconte que tout a pourtant changé le jour où il a lu le livre Les Grands Mathématiciens. Cet ouvrage était écrit d’une manière tellement fascinante et claire, qu’en le parcourant, Nash put même comprendre un petit théorème.

Finalement, il a suivi des études de Mathématiques à la fac, après avoir aussi mené un double cursus dans le domaine de l’ingénierie chimique et de l’économie internationale. Il a fini ses études en ayant obtenu un diplôme de licence et un Master. Il décida alors d’aller à l’Université de Princeton. Nash portait dans sa poche une recommandation de la part d’un de ses anciens professeurs, qui avait écrit, tout simplement : “C’est un génie des mathématiques”.

Ses anciens camarades de classe, eux, ne gardaient pourtant pas d’excellents souvenirs de lui. Il avait la réputation d’être obsédé par l’argent et incroyablement mesquin. Une anecdote veut ainsi que le scientifique ait cherché avec application à ouvrir un compte bancaire dans une banque qui était censée donner des enveloppes et des timbres gratuits à ses clients. En fait, c’était une blague inventée juste pour rigoler et John n’a évidemment jamais trouvé cet établissement...

Côté vie privée, les choses étaient elles aussi un peu compliquées. Étudiant, il avait commencé une première relation sérieuse, peu connue du public. Elle s’est achevée par une rupture douloureuse. Un enfant est né de cette union, mais John n’a jamais voulu en entendre parler.

Malgré les hauts et les bas de sa vie personnelle, John ne s’est jamais détourné de son objectif professionnel. Il avait 21 ans lorsqu’il écrivit à Princeton une dissertation sur la théorie des jeux qui lui valût, 45 ans plus tard, de recevoir le Prix Nobel d’Économie, justement grâce à ce travail.

Mariage et premiers symptômes de la maladie

Suite à l’obtention de son Master, John fut recruté à Princeton en tant que professeur, et travailla en parallèle dans quelques sociétés à temps partiel. Mais à 26 ans, la police l’arrêta pour “comportement indécent”. Les détails de cette histoire sont toujours restés flous, mais on peut voir dans cet incident une alerte qui présageait des troubles mentaux de John. Après cet épisode, il perdit tous ses privilèges au travail et l’accès aux informations secrètes.

Un an plus tard, John se maria avec une élève, Alicia Lardé, de quatre ans plus jeune que lui. Au bout d’un an, le magazine Fortune nomma Nash “la vedette émergente des mathématiques”, et sa jeune épouse tomba enceinte. C’est à ce moment-là qu’il commença à présenter les premiers signes de schizophrénie.

La maladie avançait rapidement, et il était de plus en plus difficile de la cacher au public. La goutte d’eau qui fit déborder le vase fut le refus de la part Nash d’être le doyen de la Faculté de Mathématiques. Il affirma qu’il n’avait pas l’intention de perdre du temps avec ces bêtises, et qu’il voulait plutôt être l’empereur de l’Antarctique.

John perdit son travail et fut interné de force dans un hôpital psychiatrique. Une schizophrénie paranoïde lui fut diagnostiquée, et il fut obligé de prendre des médicaments pendant deux mois. Quand il obtint la permission de sortie, il décida soudainement de partir en Europe. Alicia laissa leur enfant chez ses parents, et partit en voyage avec son mari. Nash essaya d’obtenir l’asile politique mais celui-ci lui fut refusé : il fut arrêté et déporté aux États-Unis.

Les hallucinations visuelles qui occupent une place très importante dans le film Un homme d’exception ne se sont pas passées en vrai. Dans la réalité, Nash entendait des voix. De plus, le mathématicien éprouvait aussi des craintes sans fondement, dont il n’est pas fait référence dans le film. Par exemple, quand il voyait une cravate rouge, il était persuadé qu’il avait affaire à un membre d’une conspiration communiste.

Contrairement à la croyance populaire, John n’a jamais travaillé pour le Pentagone, et n’a jamais cherché de messages cryptés provenant de la Russie ou du Japon. Cela dit, il était bien persuadé que le monde conspirait contre l’Amérique du Nord, et écrivait des lettres personnelles au gouvernement des États-Unis pour les prévenir. Autrement dit, John voulait convaincre le gouvernement qu’il avait besoin d’une nouvelle méthode pour crypter ses informations et décrypter celles des autres, et a suggéré celle qui, à ses yeux, fonctionnait le mieux. Naturellement, à cette époque il ne fut pas pris au sérieux et personne n’a jamais répondu à ses lettres. Ce qui est incroyable, c’est que cette méthode est la plus utilisée de nos jours.

Thérapie de choc avec de l’insuline, puis divorce

La maladie se développait de plus en plus, et les traitements agressifs des hôpitaux ne servaient à rien. John parlait de lui-même à la troisième personne, il appelait constamment ses anciens collègues pour évoquer ses folles théories de conspiration. Il avait toujours peur.

Lorsque la situation devint insupportable, Nash fut de nouveau hospitalisé dans une clinique. Il fut soumis à une thérapie de choc avec de l’insuline : il s’agissait de mettre le patient volontairement dans le coma. En sortant de la clinique, les anciens collègues de John, compatissants, lui offrirent du travail. Mais il refusa et retourna en Europe.

Ce fut trop pour Alicia. Elle divorça et éleva son fils toute seule. Malheureusement, on découvrit à l’adolescence que l’enfant présentait lui aussi des signes de schizophrénie. Il a avoué qu’il croyait que les voix qu’il entendait provenaient de Dieu. Ses hallucinations étaient non seulement auditives, comme son père, mais aussi visuelles.

Grâce à l’aide de ses anciens collègues, en rentrant de son “voyage”, Nash trouva du travail à l’Université de Princeton et commença une nouvelle thérapie avec un nouveau psychiatre. Il lui prescrivit d’autres médicaments capables de soulager sa schizophrénie. Et cela fonctionna ! Nash recontacta son ex-femme et son fils. Mais l’idylle ne dura pas longtemps : John craignait que ces drogues nuisent à son cerveau et sa capacité de penser, et arrêta le traitement. Les symptômes réapparurent avec beaucoup plus de force.

À Princeton, Nash déambulait partout et écrivait des formules incompréhensibles sur les tableaux des salles de classe. Ceci lui valut le surnom du “Fantôme”.

La lutte contre la schizophrénie et deux prix de grand prestige

Malgré l’avancée de la maladie, Alicia permit à Nash d’emménager chez elle et son fils. En fait, elle estimait qu’elle avait trahi son mari en divorçant. Peut-être aussi avait-elle peur qu’il ne finisse sous les ponts : tant qu’il fut séparé de sa famille, ce mathématicien brillant n’a pas eu de demeure et passait souvent la nuit dans des hôtels ou chez des amis. Il aurait pu finir sans abri.

L’intensité de la maladie diminua dans les années 80. Les médecins en étaient étonnés, et ne surent expliquer la cause de cette guérison. En fait, John avait fait un gros effort pour s’obliger à lutter contre ses démons et reprendre les mathématiques. Il laissa de côté les médicaments pour toujours. Il a cependant été prouvé que les symptômes schizophréniques diminuent avec l’âge. La rémission était donc liée au passage des années, et non à une réelle guérison.

En 1994, Nash gagna le Prix Nobel d’Économie pour sa thèse écrite à l’âge de 21 ans. On interdit à John de donner le discours traditionnel de cette cérémonie, car on craignait que son trouble mental ne lui fasse prononcer un discours trop étrange. À la place, un séminaire sur la contribution de John à la théorie des jeux, avec la participation de différents scientifiques, fût donc organisé.

Quelques années plus tard, Nash et Alicia se remarièrent. 38 ans s’étaient écoulés depuis leur divorce. Peu avant sa mort, il reçut la reconnaissance la plus importante du domaine des mathématiques, le Prix Abel, et devint la première et la seule personne à avoir reçu les deux prix les plus prestigieux du monde : le Nobel et l’Abel.

En 2015, John et Alicia sont décédés ensemble, lors d’un accident de voiture. Il avait 86 ans, elle, 82. Ce qui est curieux, c’est que le résultat fatal de l’accident fut le fruit d’une coïncidence : aucun des deux n’avait mis sa ceinture, mais le chauffeur, lui, la portait et il ne subit qu’une légère lésion. Ceci nous prouve que même la vie d’un génie reconnu peut être détruite à cause d’une toute petite erreur.

Le film Un homme d’exception finit avec une note positive, mais fausse : le vieux John reçoit le Prix Nobel, Alicia est à ses côtés, et ils ont une vie longue et heureuse devant eux. Un peu différente de la réalité, donc... Crois-tu que l’image de Nash montrée dans le film décrive le génie de ce personnage dans toute sa dimension ? Partage ton avis dans la section des commentaires !

Commentaires

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Les maths sont nocifs pour la santé, c'est ce que j'ai toujours pensé :)

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Histoire triste et fascinante, peu importe ce qui est vrai ou pas. Un parcours incroyable d un génie hors norme. Malgré sa maladie,
John a laissé un trésor inestimable en maths et en économie. Le film est magnifique. Un jeu d acteur formidable. Finalement ce que j ai appris que la réalité et l imaginaire sont deux facettes du même monde, merci John. Paix à ton âme.

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