La véritable histoire de Madam C.J. Walker, à l’origine de la série “Self Made”

Histoires
Il y a 4 ans

Le scénario de la série Self Made : D’après la vie de Madam C.J. Walker produite par Netflix est inspiré de la vie de Sarah Breedlove, figurant dans le Livre Guinness des records comme étant la première femme américaine millionnaire. Elle a monté son empire sans l’aide de personne, c’est-à-dire que ce n’est pas un héritage qui l’a rendue riche, et elle ne s’est pas mariée avec un homme fortuné. Voici l’histoire d’une afro-américaine qui a lutté pour changer de vie.

Chez Sympa, nous souhaitons aujourd’hui partager avec toi l’histoire de Madam C.J. Walker pour que tu en apprennes davantage sur cette femme, au-delà de ce que tu peux voir dans la mini-série de quatre épisodes disponible sur Netflix.

Le premier membre de sa famille à connaître la liberté

Pendant près de 250 ans, les peuples d’origine africaine étaient esclaves sur les terres américaines. Mais en 1863, le président Abraham Lincoln signe la Proclamation de l’Émancipation pour abolir officiellement l’esclavage dans le pays, libérant près de 3,5 millions de personnes. S’il n’avait pas été à l’origine d’un tel acte, l’histoire suivante n’aurait jamais pu voir le jour.

Sarah Breedlove est la première personne de sa famille à naître libre. Elle est née en 1867, dans la plantation de Madison Parish, en Louisiane. Toutefois, la liberté n’était qu’une première étape, parce que son enfance a été particulièrement compliquée. Elle s’est retrouvée orpheline à 7 ans et elle est partie vivre chez sa grande sœur et son beau-frère, où elle a souffert de maltraitance. À l’âge de 14 ans, dans le but d’arrêter les sévices dont elle était victime, elle s’est mariée avec Moses McWilliams. Trois ans plus tard, sa fille unique, Lelia McWilliams, est venue au monde. À tout juste 20 ans, elle a perdu son mari.

Sarah survivait en travaillant dans les champs de coton, mais elle a décidé de déménager à Saint-Louis, dans le Missouri, où ses frères travaillaient comme barbiers, et où elle a décroché un emploi de blanchisseuse. À la fin de sa journée, elle n’empochait que quelques dollars. Malgré cette situation compliquée, elle voulait récolter l’argent nécessaire pour scolariser sa fille, tandis qu’elle-même assistait à des cours du soir.

Les ambitions de Sarah étaient grandes, elle ne comptait pas faire ce métier toute sa vie. Dans une interview au New York Times en 1917 elle a déclaré : “Un matin, j’étais dans ma baignoire, j’avais du mal à me laver, je me suis inclinée vers le lavabo et j’ai regardé mes bras recouverts de savon. Je me suis demandé : Que feras-tu quand tu seras vieille et que ton dos deviendra raide ? Qui s’occupera de ta petite fille ?”

À Saint-Louis, Sarah a intégré l’Église Épiscopale Méthodiste Africaine (African Methodist Episcopal Church), où elle a rencontré des femmes et hommes noirs qui l’ont inspirée. En 1894, elle a épousé John Davis, mais leur relation n’était pas au beau fixe. Le couple a divorcé quelques années plus tard.

Le pouvoir des cheveux

Comme de nombreuses femmes noires de cette époque, Sarah souffrait de graves problèmes capillaires : calvitie, pellicules, douleurs au niveau du cuir chevelu, etc. Ils étaient liés à une faible alimentation, à un lavage peu fréquent (de nombreux foyers ne possédaient pas l’eau courante) et à l’utilisation de produits contenant de la soude caustique.

Elle a appris beaucoup de choses sur le soin des cheveux avec ses frères, mais ce qui a été déterminant pour retrouver une belle chevelure (et sa confiance en soi) est l’utilisation des produits d’Annie Malone, une entrepreneuse afro-américaine.

De temps en temps, Sarah faisait du porte-à-porte pour vendre les produits d’Annie Malone et en 1905, elle a déménagé à Denver, dans le Colorado, pour les commercialiser dans cette ville. En parallèle, Sarah a commencé à développer sa propre entreprise, ainsi que ses produits capillaires (quelques années plus tard, elle sera au cœur d’un scandale pour un supposé vol de propriété intellectuelle).

En 1906, à l’âge de 38 ans, elle s’est donnée une nouvelle chance en amour et s’est mariée avec Charles Joseph Walker, de qui elle prendra le nom pour devenir Madam C.J. Walker. Il était publiciste et il l’a aidée à promouvoir son nouveau produit, le “merveilleux fortifiant pour cheveux de Madam C.J. Walker”, une formule de soin et de régénération du cuir chevelu.

La naissance d’un empire

Madam C.J. Walker a connu le succès en vendant son produit par le biais de la vente à domicile. Par la suite, elle a engagé plus de vendeuses à son équipe. L’entreprise était florissante, alors elle a laissé sa fille (qui avait changé de nom pour celui de A’Lelia Walker) s’occuper des colis pendant qu’elle et son mari voyageaient dans le sud du pays pour dénicher de nouveaux clients. Elle réalisait des démonstrations pour expliquer l’application du baume, des peignes chauffants et d’un brossage spécial.

En 1908, ils ont déménagé à Pittsburgh, en Pennsylvanie, où ils ont ouvert le “Lelia College” pour former les professionnels du cheveu. Le “Walker System” a commencé à s’implanter, il comprenait une formation pour décrocher une licence de vendeur et recevoir de bonnes commissions.

Par la suite, le siège de la société a été déplacé à Indianapolis, avec l’ouverture de l’usine Madame C.J. Walker Manufacturing Company. Ils ont également inauguré un salon de coiffure et une école d’esthétique, où ils continuaient à former le personnel, principalement des femmes. Madam C.J. Walker est parvenue à employer des milliers de femmes comme distributrices de sa marque. En 1971, elles étaient près de 20 000, vêtues d’une blouse blanche et d’une jupe noire, et équipées d’une mallette de produits.

Les atouts marketing de Madam C.J. Walker ont été la clé de son succès, elle avait compris l’importance d’une bonne publicité et de l’image de marque. Elle s’est présentée aux médias spécialisés (journaux et magazines afro-américains) et a utilisé sa propre image pour illustrer les résultats obtenus avec ses produits.

Divorce et nouvelles perspectives

Tandis que son entreprise atteignait des sommets, son couple battait de l’aile. Madam C.J. Walker passait peu de temps chez elle et son mari dépensait leur argent de manière irresponsable, en plus des accusations de détournement de fonds et de ses infidélités. Ils ont fini par se séparer en 1912. Alors que Madam C.J. Walker était connue du grand public, l’homme qui lui a donné son nom est retombé dans l’anonymat.

En 1913, A’Lelia a convaincu sa mère d’ouvrir un nouveau bureau et un salon de coiffure à Harlem, afin d’être implanté dans la ville cosmopolite de New York. La seule maison construite par un architecte afro-américain à Manhattan s’est transformée en un célèbre salon culturel.

A’Lelia supervisant un traitement facial dans l’un des salons d’esthétique de Madam C.J. Walker.

Une fois à Harlem, Madam C.J. Walker était de plus en plus impliquée dans la vie sociale et politique. Elle s’était manifestée à plusieurs reprises contre le lynchage, mouvement propulsé par la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). En 1917, elle s’était ralliée à un groupe de leaders d’opinion d’Harlem pour visiter la Maison Blanche et effectuer une demande au président de l’époque, Woodrow Wilson, dans le but de créer une législation à l’encontre du lynchage, loi qui ne verra le jour qu’en 2020.

Le 25 mai 1919, elle décède à l’âge de 51 ans des suites d’une insuffisance rénale et de complications liées à l’hypertension. À cette époque, Madam C.J. Walker était considérée comme la femme afro-américaine la plus riche des États-Unis. Suite à cet évènement tragique, sa fille A’Leila est devenue présidente de la société.

L’héritage de Madam C.J. Walker

Les étudiantes de l’École d’Esthétique de Madam C. J. Walker, en 1942

La vie de Madam C.J. Walker est un exemple pour les femmes afro-américaines, car elle a prouvé qu’une femme pouvait “réussir par elle-même” dans une société où les préjugés sur l’ethnie et le genre sont profondément ancrés. Depuis toujours, elle a encouragé ses employées à être indépendantes financièrement. Lors de sa première conférence annuelle en 1917, elle a décerné des prix à ses meilleures vendeuses et à celles qui avaient effectué des dons à des œuvres caritatives pour aider leur communauté. Cet évènement est considéré comme l’une des premières réunions nationales pour que les femmes chefs d’entreprise puissent discuter de leur business.

Après sa mort, son entreprise a continué de se développer et à s’implanter dans des pays tels que Cuba, la Jamaïque, le Panama et le Costa Rica. La direction était gérée par les descendants de Madam C.J. Walker, changeant de génération en génération, jusqu’à ce que la Madame C.J. Walker Manufacturing Company ferme ses portes en juillet 1981.

Actuellement, sa maison de New York, connue sous le nom de “Villa Lewaro”, figure dans le National Register of Historic Places. Le bâtiment où était située son usine à Indianapolis, plus communément appelée “Madam Walker Theatre Center”, est désormais un lieu dédié aux événements culturels de la communauté.

Netflix et ses libertés

La plupart des informations connues sur l’histoire de Madam C.J. Walker proviennent de sa biographe et arrière-arrière-petite-fille, A’Lelia Bundles, qui a écrit le livre On Her Own Ground: The Life and Times of Madam C.J. Walker. Cet ouvrage a également servi de support à la série Netflix, réalisée par Kasi Lemmons et DeMane Davis, qui rend hommage à cette femme.

Cependant, la série s’est permis quelques libertés. Parmi elles :

  • La rivalité avec Annie Malone : dans la série, Madam C.J. Walker (interprétée par Octavia Spencer), entretient une forte rivalité avec Addie Munroe (Carmen Ejogo), personnage inspiré de la véritable Annie Malone. Dans la fiction, Addie est une femme à la peau claire qui a causé du tort à Sarah et a tenté de ruiner son affaire, mais en réalité, Addie a également la peau noire, elle était très douée en chimie et a réussi à créer une entreprise florissante.

  • La vie sentimentale de A’Leila : dans la fiction, nous faisons la connaissance de son premier mari. Mais après sa séparation, elle va avoir une relation avec une photographe. En réalité, elle s’est mariée à deux autres reprises et depuis tout ce temps, il n’a jamais été prouvé qu’elle ait entretenu une relation avec une autre femme. Elle a également adopté une petite fille orpheline prénommée Mae Walker.

  • Engagement et philanthropie : Netflix met en avant l’ambition de Madam C.J. Walker pour monter sa société, mais la série ne souligne pas son implication et sa portée politique.

Alors, que penses-tu de cette histoire ?
Si tu as regardé la série, trouves-tu qu’elle rende justice à la vie de Madam C.J. Walker ?
N’hésite pas à nous donner ton avis dans les commentaires !

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