Les Corbeaux ne Sont Pas Juste Malins, Ils Sont Diablement Intelligents
Ce ne sont peut-être pas être les créatures les plus intelligentes au monde, mais certains corbeaux ont en fait un cerveau plus gros que le tien... Proportionnellement au reste de leur corps, bien entendu. Le cerveau du corbeau calédonien représente près de 3 % du poids total de son corps. Cette proportion est similaire à celle des dauphins et des grands singes. Le cerveau d’un humain adulte ne représente qu’environ 2 % de son poids corporel. Des recherches ont également montré que le cerveau antérieur des corbeaux comptait plus de neurones que celui des primates. Cette zone du cerveau définit l’intelligence d’un animal. Ainsi, plus de neurones signifie un meilleur raisonnement cognitif. Ils pourraient même être les non-humains les plus intelligents de la planète, et plus futés que des enfants de 7 ans !
Des chercheurs ont fait passer une série de tests à six corbeaux sauvages, pour voir s’ils comprenaient bien les relations de cause à effet. Ces tests étaient basés sur la fable d’Ésope, dans laquelle une corneille assoiffée laissait tomber des pierres pour faire monter le niveau de l’eau dans une cruche. Les corbeaux de la vie réelle devaient donc faire tomber des objets lourds dans des tubes remplis d’eau. Les oiseaux avaient le choix des objets à y déposer. Ils savaient qu’ils devaient choisir des objets pleins et non creux et un tube rempli d’eau et non de sable. Ils ont également opté pour le tube avec le niveau d’eau le plus élevé, sachant que cela leur permettrait d’atteindre leur but final avec le moins de travail. Tous les oiseaux ont réussi à résoudre l’énigme, contrairement aux petits humains âgés de quatre à six ans, et plus rapidement que les enfants de sept ans.
Une autre expérience a prouvé que les corbeaux étaient capables de raisonnement analogique. Les oiseaux se sont vus présenter un plateau contenant trois tasses. La tasse du milieu contenait une carte avec une couleur, une forme ou un chiffre. Les tasses latérales contenaient également des images : l’une identique à celle de la tasse centrale et l’autre différente. Il y avait de la nourriture à l’intérieur de la tasse avec l’image correspondante. Les corbeaux ont rapidement compris comment tout cela fonctionnait et ont commencé à choisir les cartes correspondantes pour obtenir la friandise.
Au cours de la phase suivante de l’expérience, ils ont reçu des cartes comportant des paires d’objets. Deux des cartes présentaient des paires d’objets identiques, par exemple deux cercles et deux triangles. Les deux autres cartes présentaient des images différentes : un cercle et un cœur, ou un carré et un triangle. Ils devaient donc trouver une correspondance pour une carte comportant deux éléments identiques et deux éléments différents. Les oiseaux ont immédiatement compris la tâche et ont choisi les bonnes cartes à chaque fois. Pas bête...
Les corbeaux prospèrent sur tous les continents, à l’exception de l’Antarctique et de l’Amérique du Sud. Les corbeaux et leurs proches parents — corneilles, pies et autres geais — ont appris non seulement à survivre parmi les humains, mais aussi à tirer parti de ce voisinage. Les corbeaux qui vivent dans les villes d’Amérique et du Japon, par exemple, ont appris à déposer des noix coriaces dans les rues à forte circulation et à attendre que les véhicules les écrasent pour eux. Ensuite, les oiseaux attendent que les feux de circulation passent au vert pour les piétons et ramassent les friandises au sol en toute sécurité.
En 2011, une équipe de l’université de Washington a prouvé que les corbeaux pouvaient reconnaître les visages humains et se souvenir de qui étaient leurs ennemis. Un chercheur a porté un masque d’homme des cavernes et un autre un masque de Dick Cheney. L’homme des cavernes s’est rendu sur cinq sites différents pour attraper et baguer des corbeaux sauvages. Une fois relâchés, les oiseaux ont poussé de grands cris de colère. Ils le faisaient pour avertir leurs copains de la présence d’un intrus importun dans les parages. Ces derniers s’envolaient alors pour punir le Cro-Magnon en émettant des croassements furieux. Le Dick Cheney de l’expérience, pour sa part, n’a pratiquement rien fait... Les scientifiques sont retournés aux mêmes endroits pendant cinq ans, et les oiseaux ont toujours accueilli l’homme des cavernes avec des cris de colère tout en ignorant royalement Dick Cheney. Certains des oiseaux qui ont participé à l’expérience originale ne sont même plus en vie, mais il semble qu’ils aient transmis leurs connaissances à leurs petits.
Les corbeaux sont également capables de déterminer si un humain représente une menace directe pour eux ou s’il ne fait que s’occuper de ses oignons. Ils s’envolent beaucoup plus vite lorsqu’ils remarquent qu’une personne se dirige vers eux et les regarde fixement. La plupart des oiseaux et des autres animaux préfèrent s’enfuir à l’approche d’un humain, même s’il ne fait que se promener. Les corbeaux, eux, savent quand ils peuvent rester tranquilles et quand ils doivent fuir un danger.
La famille est très importante pour les corbeaux. Ils se trouvent généralement un partenaire pour la vie et vivent en couples ou en petits groupes familiaux. En hiver, ils rejoignent des centaines, voire des milliers de leurs congénères pour passer la nuit sur le même perchoir. Pendant la saison de nidification, les jeunes corbeaux aident leurs parents à défendre le nid contre les intrus. Ils peuvent également apporter de la nourriture à leurs parents ou directement à leurs plus jeunes frères et sœurs. Certains oiseaux continuent à aider leurs parents pendant plusieurs années. Les corbeaux se font également des amis pour la vie et forment de grandes bandes pour se protéger des prédateurs. Ces clans s’attaquent à tout invité indésirable et même à des oiseaux plus grands, comme les hiboux ou les faucons, ou à d’autres animaux. Parfois, ils se réunissent également pour chiper la nourriture des créatures plus costaudes. Certains membres du groupe détournent l’attention du prédateur, tandis que d’autres se chargent de l’opération.
Tout que tu crois entendre ressemble à “croa croaaa”, mais les corbeaux produisent toute une variété de sons, et chacun d’entre eux a une signification pour les autres membres de leur espèce. Ils peuvent s’avertir mutuellement des intrus potentiels qui sont sur le point de pénétrer sur leur territoire, ou faire savoir à leurs proches où ils se trouvent. Ce langage n’est pas universel : il varie d’une vallée à l’autre, un peu comme les dialectes régionaux. Si un corbeau décide de rejoindre un nouveau groupe pour une raison ou une autre, il devra apprendre à croasser dans leur langue, en imitant les sons des membres du nouveau groupe.
Les corbeaux ont une meilleure maîtrise d’eux-mêmes que bien des gens... Si quelqu’un te proposait une friandise que tu peux obtenir tout de suite et une autre, plus délicieuse, pour laquelle tu devras attendre, que choisirais-tu ? Ces petits malins ont prouvé qu’ils savaient que l’attente pouvait payer. Les chercheurs ont d’abord testé les préférences alimentaires des corbeaux : pain, raisins, saucisses, graisse de porc frite et autres friandises — chacun des oiseaux avait ses favoris. Ensuite, ils leur ont proposé leur aliment le moins apprécié. En attendant de quelques secondes à dix minutes, les chercheurs ont ensuite proposé aux oiseaux une friandise plus délicieuse ou une portion plus importante du même en-cas. Ils avaient la possibilité de prendre ce qu’on leur offrait et de s’envoler, mais ils n’auraient alors eu aucun espoir d’obtenir une meilleure friandise. Les corbeaux participants ont choisi de n’attendre qu’un en-cas de meilleure qualité qu’ils apprécieraient davantage. Ils ne voulaient pas non plus attendre une deuxième portion du même en-cas. Ce n’est que lorsqu’ils ont obtenu la nourriture désirée que les participants ont quitté le lieu de l’expérience. D’autres oiseaux, comme les pigeons, les poules et les perroquets gris, n’ont pas fait preuve d’une telle patience et d’une telle maîtrise d’eux-mêmes au cours de la même expérience...
Nos héros du jour ne gaspillent jamais la nourriture. Lorsqu’ils en ont trop, ils la stockent dans des caches pour plus tard, dans des endroits secrets, dans le feuillage ou dans d’autres récipients. Lorsqu’ils ont à nouveau faim, ils savent exactement où aller pour retrouver leurs provisions. Parfois, ils ajoutent des marqueurs sur leur cache pour se souvenir de l’endroit exact où elle se trouve, ou déplacent la nourriture d’un endroit à l’autre pour la protéger des autres becs affamés. Ils savent aussi quels aliments se dégradent le plus vite et finissent la viande avant d’autres types d’aliments, comme les noix ou le pain, qui se conservent plus longtemps.
Les corbeaux fabriquent et utilisent également leurs propres outils. Ils ont appris à tailler de fins éclats de bois en brochettes et à plier des fils de fer en crochets pour attraper de la nourriture hors de portée. Ils se souviennent de leur conception et sont capables de recréer le même type d’outil. Les corbeaux savent également combiner des matériaux qui ne fonctionneraient pas séparément pour construire un outil complexe. Seuls les humains et les grands singes étaient connus pour accomplir de telles choses auparavant. Il semble également que les corbeaux apprécient le processus de fabrication et d’utilisation d’un outil. Leur comportement change après avoir réussi à s’en servir, tout comme nous, les humains, sommes heureux après avoir accompli une tâche complexe.