Je ne suis jamais allée à la maternelle, et je sais pertinemment que je ne ferai jamais pareil avec mon enfant
Les mamans modernes sont vraiment sur tous les fronts pour être les meilleures possibles : elles apprennent à leurs enfants à manger sain dès leur plus jeune âge, les emmènent voir le psychologue, refusent de les inscrire à la maternelle ou à la crèche pour passer plus de temps avec eux, et optent parfois carrément pour un enseignement à distance. Les parents s’efforcent de donner le plus d’amour possible pour que leur enfant ait tout ce dont il a besoin, et même plus. Ma mère aussi était comme ça : quand j’avais trois ans, elle a décidé de ne pas m’envoyer à la maternelle. Maintenant, j’ai 25 ans et je suis certaine que cette décision comporte beaucoup plus d’inconvénients qu’il ne semble à première vue.
J’ai décidé de partager mon expérience avec les lecteurs de Sympa, et de raconter en toute honnêteté quelles difficultés rencontrera sans doute celui ou celle qui n’est jamais allé à la maternelle.
Ma mère m’a donné naissance à 28 ans, et dans les années 90, c’était considéré comme un âge relativement tardif. Elle était la dernière parmi toutes ses amies à avoir eu un enfant, et c’est en partie à cause de ça qu’elle s’inquiétait toujours beaucoup trop pour moi. Quand je suis tombée malade durant ma première semaine de maternelle, elle a immédiatement décidé que nous n’y remettrions plus jamais les pieds.
Maman a quitté son travail et a commencé à me consacrer tout son temps libre. Elle m’emmenait à différentes activités comme des ateliers de dessin, d’arts plastiques, ou de gym. Sur les terrains de jeux, je jouais souvent avec les enfants de nos voisins et ceux des amis de notre famille. Je n’étais tout simplement jamais malade, même pas la varicelle. À l’époque, il nous semblait que la décision prise par maman ne présentait que des avantages. Les problèmes ont commencé plus tard.
Les enfants suivent les lois de la meute
Le 1er septembre, je serrais la main de ma mère le plus fort possible. J’étais comme un petit animal qui est né et a grandi dans un zoo, mais qui doit maintenant sortir et s’aventurer dans la nature sauvage. Cet animal se tient entre l’homme et le monde, regardant prudemment la jungle hostile, et lentement, pas à pas, il se décide à entrer dans son nouvel univers sur ses petites pattes fragiles. C’est exactement ce que sent un enfant qui a grandi tout seul, sans avoir fait partie d’un groupe, et qui est soudainement envoyé dans un nouveau “troupeau”, celui de l’école. Aujourd’hui, je ne souhaite qu’une seule chose : que ma mère ne sache jamais ce que j’ai ressenti ce jour-là.
De nos jours, on vit dans le culte de l’individualité. Être différent des autres, défier les stéréotypes et faire ce que la plupart des gens ne feront jamais est considéré comme cool. Néanmoins, chez les enfants, c’est tout le contraire : à l’école, on vit selon la loi de la meute, et si un enfant ne suit pas le groupe, il peut tout simplement être banni. Les recherches et les témoignages nous prouvent que dans la plupart des cas, c’est exactement ce qui se passe. Les enfants qui n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente avec leurs pairs deviennent souvent victimes d’intimidation.
Par ailleurs, les spécialistes ont découvert un lien important entre les compétences sociales de l’enfant durant ses années de maternelle et son succès dans la vie adulte. Des recherches de 20 ans ont montré que les enfants qui peuvent facilement communiquer avec leurs semblables et régler leurs problèmes par eux-mêmes obtiennent presque toujours un diplôme d’études supérieures et un bon emploi.
J’étais différente des autres et ils ont commencé à me harceler
Je grandissais beaucoup plus vite que mes camarades de classe : à l’école, je n’avais plus aucune envie de jouer avec des poupées, j’apprenais et je comprenais tout beaucoup plus vite que les autres. Les difficultés sont surtout arrivées durant l’adolescence : quand j’étais en 6e et 5e, je n’avais presque pas d’amis. J’étais beaucoup trop différente, et on a commencé à me harceler. De plus, j’ai aussi eu alors des problèmes avec les professeurs : je contestais souvent mes notes, ce qui énervait un peu les enseignants, surtout les plus âgés d’entre eux. Cela dit, je n’étais pas la seule : dans notre classe, il y avait un autre garçon avec les mêmes problèmes que moi, et qui, lui non plus, n’était jamais allé à la maternelle.
Mes parents me parlaient toujours sur un pied d’égalité : on m’a appris à ne jamais avoir peur d’exprimer son opinion ou de déclarer ouvertement son désaccord. Mais à l’école, les lois sont complètement différentes. Le collectif n’aime pas les crâneurs et les enseignants ne pardonnent jamais aux élèves les critiques ou une curiosité excessive. C’est-à-dire que mon entourage me croyait en position de force, mais moi, je ne connaissais même pas les règles du jeu. Si j’avais été à la maternelle, j’aurais appris ces lois beaucoup plus tôt et j’aurais sûrement pu éviter toutes ces difficultés.
Certaines personnes adorent regarder des vidéos sur laquelles des adolescents harcèlent un de leurs camarades, et les médias s’en emparent avec avidité, mais à mon époque, il n’y avait ni de chat entre parents, ni de carnet électronique, et rares étaient ceux qui pouvaient se vanter d’avoir un téléphone portable avec une caméra. Néanmoins, le harcèlement scolaire a toujours existé, même si alors, personne n’en parlait. Dans mon école, il y avait un ou deux élèves par classe qui étaient régulièrement victimes d’intimidations, et parfois, la situation devenait bien pire que dans les vidéos que tu peux trouver aujourd’hui sur internet.
Les bagarres se passaient généralement après les cours, pour que ni les parents, ni les enseignants ne le sachent. Je me souviens parfaitement d’une de ces soirées. C’était en hiver, il faisait −15 °C, et il y avait un léger vent qui me fouettait le visage. Une fille et moi nous nous sommes tabassées comme jamais : elle m’a arraché une mèche de cheveux, et je lui ai fendu le front. C’est ce jour-là que j’ai “gagné” pour la première fois, et on m’a enfin lâchée. Ici, c’est la loi du plus fort.
Un enfant qui a fréquenté l’école maternelle comprend mieux les règles d’interaction au sein d’un groupe, il apprend à trouver une approche différente pour chaque personne et non pas seulement pour ses parents, ses proches, ou ses amis. Bien entendu, cela ne donne pas une garantie de 100 % que l’enfant s’adaptera facilement à son nouvel environnement scolaire, mais cela réduit certainement les risques d’être confronté à un harcèlement de la part des camarades.
Voici pourquoi mon enfant ira obligatoirement à la maternelle
Maintenant, je suis plus que satisfaite de ma vie : j’ai un homme que j’aime, pleins d’amis, et un travail qui me rapporte non seulement de l’argent, mais aussi du plaisir. Sans ce harcèlement auquel j’ai dû faire face durant mon enfance, je ne serais peut-être pas devenue si obstinée, forte, et je n’aurais peut-être pas cette envie de résister aux difficultés et d’atteindre mes objectifs
Je crois que cette expérience m’a permis de forger mon caractère et de devenir la personne que je suis aujourd’hui. Néanmoins, le harcèlement scolaire et l’absence de compétences sociales peuvent affecter les gens de différentes façons : pour certains, cela deviendra la meilleure des motivations, mais pour d’autres, ça ne sera qu’une excuse pour se renfermer encore plus profondément. Qui dit que mon enfant sera aussi chanceux que moi ?
Certains parents ne souhaitent pas que leur progéniture aille à la maternelle, car ils n’aimaient pas cet endroit étant enfant. Là-bas, leur bébé pourrait être embêté ou injustement grondé... Ces gens pensent sans doute qu’une approche individuelle et familiale permettra soi-disant d’élever une personnalité harmonieuse et de développer la créativité.
Oui, les enseignants peuvent être injustes et les enfants peuvent être impolis et parfois même plus cruels que les adultes, mais tôt ou tard, chacun de nous doit aller à l’école, à l’université, trouver un emploi, et faire face à l’injustice et à l’incompréhension. Il est très important de savoir établir de bonnes relations avec ton groupe, et cette compétence, tout comme les langues étrangères, doit être apprise à un très jeune âge, car plus on est âgés, plus c’est difficile.
Et toi, es-tu allé à la maternelle ? As-tu aimé cette époque ? Et ton enfant ? Partage ton expérience avec nous dans les commentaires.