Les échecs insolites : des tentatives d’interdiction au jeu à l’aveugle
Parlons un peu du jeu d’échecs, parfois surnommé le jeu des rois. Il nous faut d’abord un plateau et des pièces. Selon la légende, tout a commencé lorsqu’une jeune femme est devenue reine et qu’elle a envoyé deux de ses fils pour mettre fin à une rébellion en cours dans son pays. Malheureusement, l’un de ses fils n’a pas survécu à la rébellion. L’autre avait trop peur pour annoncer la déchirante nouvelle à sa mère. Il a donc demandé conseil à l’homme le plus sage du royaume. Son nom était Qaflān.
“Donne-moi trois jours”, a dit le sage, et il a fait appel à un charpentier qui avait deux couleurs de bois différentes, le blanc et le noir. Il a demandé au charpentier de fabriquer une planche avec ces morceaux de bois et a dessiné soixante-quatre cases dessus. Le sage a ensuite imaginé un jeu à l’aide du plateau et a commencé à y jouer avec l’un de ses élèves, afin qu’ils le maîtrisent tous les deux. Le jeu s’articulait autour de différentes pièces, chacune obéissant à des règles spécifiques concernant ses déplacements sur le plateau. La pièce la plus importante du jeu était le roi ; elle devait être protégée à tout prix. Une fois la partie terminée, le gagnant prononçait l’expression shah mat, qui signifie “le roi est impuissant”.
La reine a vite entendu parler du sage Qaflān et de son jeu, et lui a demandé de venir à la cour pour qu’elle puisse aussi être témoin du jeu. Il y a joué devant elle avec son élève, et une fois le jeu terminé, il a prononcé la phrase de fin, shah mat. Elle-même d’une grande sagesse, la reine a compris le message de Qaflān et a réalisé qu’un de ses fils n’était plus. On ne saura jamais si cette histoire de reine sage était vraie ou non, mais c’est l’une des nombreuses légendes qui prétendent expliquer l’invention des échecs.
L’une des premières formes connues du jeu s’appelle Chaturanga et remonte au 6e siècle de notre ère. Elle trouve ses origines dans le nord de l’Inde, sous l’Empire Gupta. Le nom Chaturanga signifie les quatre divisions, c’est-à-dire l’infanterie, la cavalerie, l’éléphanterie et les chars. Ce sont les quatre types de pièces qui étaient utilisées pour jouer. Ce jeu était si populaire qu’il s’est répandu dans le reste du monde, atteignant d’abord la Perse, où il était appelé Shatranj.
Le jeu a changé de nombreuses fois jusqu’au 15e siècle, de nombreux pays en ayant des variantes différentes : dans certains pays asiatiques, par exemple, les pièces étaient placées aux intersections des cases du plateau, plutôt que sur les cases elles-mêmes. En Mongolie, les échiquiers étaient constitués de 11 cases par 10, par opposition au standard 8 par 8. Le 19ème siècle a vu les premiers tournois d’échecs se dérouler, et même le premier championnat du monde officiel, qui a eu lieu en 1886. Wilhelm Steinitz est devenu le premier champion du monde d’échecs officiel.
Au milieu du 20e siècle, les joueurs d’échecs s’appuyaient généralement sur des tactiques et avaient un jeu extrêmement dynamique. Cependant, avec l’invention des bases de données et des moteurs d’échecs, le jeu a été révolutionné et est devenu plus prévisible. Jouer aux échecs est devenu accessible via des sites web et on estime qu’environ 600 millions de personnes savent jouer aux échecs dans le monde de nos jours. Le mouvement des pièces sur le plateau est assez simple, mais les possibilités de jeu sont infinies. Les scientifiques ont estimé qu’il y a entre 10 puissance 111 et 10 puissance 123 positions possibles aux échecs — c’est tout simplement époustouflant ! C’est plus que le nombre d’atomes dans l’univers observable — estimé entre 10 puissance 78 et 10 puissance 82. En théorie, la plus longue partie d’échecs peut compter jusqu’à 5 949 coups. La plus longue partie d’échecs officielle a eu lieu en 1989 et comprenait 269 coups. Il a fallu plus de 20 heures aux joueurs pour la terminer et elle s’est soldée par un match nul.
La pièce la plus puissante de l’échiquier est la reine, car elle combine les mouvements de la tour et du fou. Au départ, cette pièce s’appelait le conseiller et n’était pas très flexible quant à sa gamme de mouvements. Cependant, elle a commencé à être appelée reine au cours de la période médiévale en Europe. Certains historiens affirment que cette pièce unique a pu devenir la plus dangereuse du plateau au 15e siècle, en raison des nombreux exemples de femmes souveraines puissantes à cette époque.
Ce jeu est tellement ancré dans la culture populaire que le deuxième livre imprimé en langue anglaise de l’histoire portait sur les échecs ! Il s’appelait simplement The Game of Chess et a été publié par William Caxton dans les années 1470.
L’échiquier pliant est un moyen pratique de ranger correctement les pièces entre les parties, mais il a été inventé dans un but complètement différent. Pendant certaines périodes de l’histoire, les échecs étaient interdits pour de nombreuses raisons différentes. En 1254, par exemple, le roi Louis IX de France a interdit les échecs car il les considérait comme un jeu inutile et ennuyeux. Les gens ont dû trouver des moyens de continuer à jouer, si bien qu’ils ont inventé l’échiquier pliable. Une fois fermé, l’échiquier pouvait facilement être placé debout sur une étagère et être confondu avec un livre.
On est peut-être tombé sur diverses pièces d’échecs anciennes ici et là, mais les plus anciens jeux d’échecs complets ont été trouvés sur l’île de Lewis, au nord de l’Écosse. Ils datent du 12ème siècle. D’après leur apparence, les experts pensent qu’ils ont été fabriqués en Islande ou en Norvège. En raison de leur apparence unique, ils ont été utilisés comme matériau de base pour diverses pièces d’échecs dans des films.
En plus d’être divertissant, le jeu d’échecs présente de nombreux autres avantages. Les spécialistes en neurologie y voient un moyen efficace d’améliorer les compétences de la mémoire. C’est parce qu’il pousse l’esprit à résoudre des problèmes complexes et à créer les meilleures stratégies possibles. Ses effets bénéfiques sur les jeunes ont conduit à l’introduction des échecs dans certaines écoles de différents pays. Il a également été lié à de meilleures notes et à un meilleur comportement. Certains joueurs d’échecs sont devenus si doués qu’ils peuvent y jouer les yeux fermés. Janos French, un joueur hongrois, a établi un record en 1960 en jouant contre 52 adversaires différents en même temps, tout en ayant les yeux bandés. Et comme si ce n’était pas assez impressionnant, il a fini par gagner 31 de ces parties. Un autre joueur d’échecs impressionnant est Emanuel Lasker, un mathématicien et philosophe qui a détenu le titre de champion du monde d’échecs plus longtemps que n’importe quel autre joueur. Il a conservé ce titre de 1894 à 1921, soit pendant 26 ans et 337 jours.
En 1985, un écrivain, activiste et joueur d’échecs nommé Garry Kasparov est devenu le plus jeune champion du monde d’échecs à ce jour. Il n’avait que 22 ans. En dehors du titre de champion du monde, le titre le plus élevé qu’un joueur d’échecs puisse recevoir est celui de Grand Maître. Ces titres sont décernés aux joueurs pour leurs performances de haut niveau dans les parties d’échecs, et pour obtenir un titre de Grand Maître, il faut en gagner 3. Une fois attribué, le titre est conservé à vie, mais il peut être révoqué exceptionnellement pour tricherie. Mais comment peut-on tricher aux échecs ? L’un des moyens les plus courants de nos jours est d’utiliser un ordinateur pour aider à choisir les meilleurs coups, car les ordinateurs sont désormais bien supérieurs aux humains. En 1997 par exemple, un ordinateur développé par IBM, nommé Deep Blue, est devenu célèbre pour avoir battu le champion du monde d’échecs, Garry Kasparov.
Quant au plus jeune grand maître d’échecs du monde, il s’agit d’un Américain nom Abhimanyu Mishra. Il a battu ce record en 2021, à seulement 12 ans et 4 mois. Il a appris à jouer au jeu alors qu’il n’avait que deux ans et demi ! Ce titre était auparavant détenu par Sergey Karjakin, qui était devenu le plus jeune grand maître du monde à l’âge de 12 ans et 7 mois, en 2002.
Le premier programme informatique pour jouer aux échecs a été inventé en 1951 par le mathématicien Alan Turing. À l’époque, aucun ordinateur n’était assez puissant pour le traiter, alors Turing a dû le tester lui-même. Il a effectué les calculs et joué en fonction des résultats, chaque coup lui prenant plusieurs minutes. Thomas Wilson, un inventeur anglais, a inventé la pendule d’échecs en 1883, pour fluidifier le jeu. Son invention comprend une poutre à bascule sur laquelle se trouvent deux horloges identiques en équilibre. Avant elle, les joueurs d’échecs avaient l’habitude de mesurer leurs mouvements avec des sabliers.