9 Peintures légendaires qui donnent du fil à retordre au spectateur moderne

Arts
Il y a 3 ans

La faculté de comprendre un tableau est tout un art. Pour interpréter correctement la scène représentée sur la toile, il est important d’analyser les techniques artistiques, les couleurs et les détails. Parfois, cela ne suffit pas, et à la recherche des indices, il faut faire appel à des faits historiques ou des événements faisant partie de la biographie de l’artiste. Ce n’est qu’alors que nous avons une chance de révéler le sens original du tableau.

Chez Sympa, nous avons de nouveau étudié quelques peintures célèbres, et voici les questions auxquelles nous avons tenté de répondre.

Pourquoi l’homme et la femme dont on voit le reflet dans le miroir, ne font pas partie de la scène ? (Les Ménines, Diego Velàzquez )

Quiconque s’intéresse ne serait-ce qu’un peu à la peinture dira que le tableau “Les Ménines” est remarquable, parce que l’artiste a réussi à effacer complètement la barrière qui sépare le spectateur de la scène. Ceci est accentué par le reflet dans le miroir que l’on voit en arrière-plan, ainsi que le regard du portraitiste, dans lequel Velàzquez s’est représenté lui-même. On s’attend ainsi, à voir quelque part près de l’observateur, les parents de la jeune infante en train d’être peints pas Velàzquez.

Mais voilà que récemment, les experts ont déclaré que si l’on regarde de près un seul détail de la toile, une nouvelle signification de la scène s’ouvre à nous, et ceci est plutôt troublant. Ce détail prend la forme d’un petit récipient rouge appelé " búcaro" (bucchero), qui est présenté à l’enfant. Le búcaro était un vase d’argile poreuse auquel on ajoutait une grande quantité de diverses épices, ce qui donnait au liquide qu’il recevait un arôme agréable. De plus, les aristocrates de l’époque grignotaient les búcaros, parce qu’ils croyaient que cette argile pouvait donner à la peau la blancheur désirée. Mais il y avait aussi un effet secondaire : des hallucinations. Il convient également de noter que l’artiste pointe avec son pinceau la peinture sur sa palette. La couleur de celle-ci correspond à celle du búcaro, et il y a une sorte de brume rougeâtre dans le reflet.

Le visage pâle de l’infante suggère qu’elle n’a pas été épargnée de cette mode de grignoter du búcaro. Sur la toile, nous ne voyons pas les parents de la jeune fille : ils ne sont pas là. L’homme et la femme sont le fruit de l’imagination de l’enfant. De plus, l’ombre sous la robe de cette figure centrale, donne l’impression que la personne flotte : un indice de son état de conscience altéré. Le miroir dans les œuvres d’art est souvent interprété comme un symbole du monde de l’au-delà, qui est illusoire. Dans l’occurrence, il reflète l’imagination de l’infante.

Pourquoi la fillette ne semble-t-elle pas heureuse de retrouver ses parents ? (“Paysans français retrouvant leur enfant volée”, Philip Hermegenes Calderon)

La toile nous présente un homme et une femme qui se réjouissent de retrouver leur enfant qui leur avait été volée. L’arrière-plan suggère que la scène se déroule dans les coulisses d’un théâtre de rue. Les paysans ont probablement reconnu leur fille quand elle s’est produite devant le public avec un tambourin. La femme âgée avec un instrument de musique sur sa poitrine était la maîtresse de la fillette. Peut-être qu’elle n’avait pas volé cette fillette, mais qu’elle l’avait achetée à des brigands. Cependant, la main de l’officier sur son poignet nous fait comprendre, que cette femme devra s’acquitter devant la loi.

On peut supposer que la fillette avait été enlevée étant bébé, ce qui explique pourquoi elle ne se réjouit pas de ces retrouvailles. Elle ne se souvient pas de sa vie avant de faire partie de la troupe d’artistes itinérants. Elle est très embarrassée de se retrouver dans les bras d’une femme inconnue. On ne peut qu’espérer qu’après son retour à la maison, elle sera entourée d’amour et d’attention, pour pouvoir oublier sa vie errante et trouver le bonheur auprès de ses parents.

Pourquoi les fiançailles n’ont-elles pas eu lieu ? (“Les fiançailles rompues”, Adrian Markovich Volkov)

Comme le nom du tableau le suggère, nous sommes en présence d’une scène de demande en mariage, qui n’a pas abouti. Le fiancé malchanceux, inclinant honteusement la tête, se tient au milieu du salon ; la fiancée, quant à elle, s’est évanouie, profondément choquée. Tous les regards du groupe au centre de la toile sont dirigés vers les visiteurs inattendus qui se trouvent du côté droit du tableau. Dans l’embrasure de la porte, à l’arrière-plan, on voit des silhouettes de quelques curieux, serviteurs ou enfants, qui ont accouru en entendant l’agitation.

La jeune femme avec un enfant dans les bras est très probablement l’ancienne bien-aimée du personnage principal du tableau. Elle est venue accompagnée de son père pour empêcher ces fiançailles et pour faire appel à la conscience du jeune homme. Ses habits sont beaucoup plus modestes que ceux de la demoiselle qui s’est évanouie, ce qui signifie que le but de cette demande en mariage pourrait être l’intention de se lier avec une famille aisée.

Après une telle situation honteuse, il est peu probable que le jeune homme revienne assumer ses responsabilités en tant que père, mais qu’il continuera à chercher une épouse riche.

Pourquoi les femmes se sont-elles allongées à même le sol sur la place du marché ? (“Les femmes d’Amphissa”, Sir Lawrence Alma-Tadema)

Sur cette toile, nous observons deux groupes de femmes de condition et d’attitude différentes. Au premier plan, des femmes en tenue légère et aux cheveux relâchés dorment ou sont en train de se réveiller. Elles sont entourées de femmes aux vêtements plus respectables : alors que certaines les regardent sans agressivité et semblent étonnées par la présence de ces femmes, d’autres leur apportent de l’eau et de la nourriture.

Alma-Tadema restitue avec exactitude les événements racontés par Plutarque. Son idée première est de nous donner une leçon d’humanité et de solidarité. Les villes grecques de Phocide et d’Amphissa étaient en guerre. Les femmes de Phocide glorifiaient le dieu Bacchus (ou Dionysos), et leurs robes, les couronnes de fleurs et les instruments de musique évoquent leurs danses rituelles. Le mot “bacchanales” lui-même vient du nom de cette divinité. Et l’on peut imaginer à quel point la célébration nocturne avait été effrénée, puisque les jeunes femmes en transe et errant la nuit, ne s’aperçurent pas qu’elles se trouvaient sur le territoire d’Amphissa, où elles se sont endormies sur la place du marché. Les habitantes d’Amphissa les ont prises sous leur protection, afin que les hommes de la ville ne leur fassent pas de mal. Elles ont veillé sur les thyiades pendant qu’elles dormaient et leur ont rendu tous les soins possibles le matin.

Pourquoi la jeune femme a-t-elle l’air si désarmée ? (“La gouvernante arrive chez le marchand”, Vassili Perov)

L’artiste a peint une rencontre maladroite entre la nouvelle gouvernante et son employeur. La jeune femme embarrassée chiffonne une lettre de recommandation, debout, face au propriétaire de la maison. Apparemment, l’homme est mécontent que la jeune femme ait peu d’expérience. Son apparence fait deviner un chef de famille dominateur, dont les mains ne connaissent pas le dur labeur. Très probablement, il s’agit d’une lignée de marchands depuis plusieurs générations, et l’on voit le portrait de son honorable aïeul accroché au mur.

Les affaires de la gouvernante posées près à la porte, retiennent notre attention. Une valise robuste et une boîte de chapeaux en carton, laissent deviner que la jeune femme est une citadine. La boîte comporte une enseigne : ces chapeaux ont été achetés dans une boutique de mode à la capitale, peut-être même à l’étranger. Les bagages de la jeune femme suggèrent qu’elle a connu des temps meilleurs, mais après avoir perdu son père nourricier, elle a été forcée d’aller travailler. Il est très possible qu’elle ait grandi dans une bonne famille et ait reçu une éducation décente, ce qui lui permet de postuler au poste de gouvernante. La jeune femme se retrouve dans un environnement inhabituel. Elle est timide et apeurée, ses joues sont devenues rouges.

Il est évident que rien de bon ne l’attend dans cette maison. L’un des critiques de la toile l’a caractérisée ainsi : “Ce n’est pas encore la tragédie, mais une véritable introduction à celle-ci.”

Quelle proposition la vieillarde fait-elle à la jeune femme ? (“Tentation”, Nikolai Gustavovich Schilder)

Au centre de la toile, se trouve une jeune femme, dont la tenue simple indique qu’elle est chez elle, ce qui n’est pas les cas de la vieille femme se trouvant à sa droite. La vieillarde lui promet une aide financière, tendant un bracelet précieux et lui faisant signe en direction de la porte. En regardant de près, on peut apercevoir un homme dans l’obscurité de la porte, qui regarde la scène avec intérêt.

Bien que la posture de la jeune femme montre une certaine résistance, on voit le doute sur son visage. Elle a besoin d’argent, car elle doit prendre soin de sa mère malade. Un reste de bougie près du chevet de sa mère suggère que ses jours peuvent être comptés si elle ne reçoit pas le traitement nécessaire. Le chat, que l’on voit dans la pièce, est en train de chasser et s’apprête à attraper sa proie. L’animal symbolise les mauvaises intentions de la proxénète.

Quelle découverte Léonard a-t-il peint dans ce tableau ? (“La Vierge aux rochers”, Léonard de Vinci)

Léonard de Vinci a laissé de nombreux symboles sur ses toiles, incitant la postérité à déchiffrer le message que l’artiste voulait faire passer. La compréhension de sa toile “La Vierge aux rochers” est impossible sans tenir compte de certains faits de la biographie du peintre.

Au moment où Léonard de Vinci a peint ce tableau, il était sous l’impression d’un voyage à travers les sommets des montagnes, au cours duquel il s’est retrouvé dans une grande grotte. C’est ici qu’il a trouvé de nombreux coquillages qui ont beaucoup marqué l’esprit de l’artiste. Léonard était sûr que ces coquillages provenaient de la grotte et que leur présence n’y était pas due au hasard : cela témoignait du fait que les sommets de ces montagnes avaient été autrefois des fonds marins, ce qui contredisait le concept de l’origine des êtres vivants développé à cette époque. Dans le tableau “La Vierge aux rochers”, Léonard de Vinci a " codé " sa découverte, celle qui aurait pu lui attirer des ennuis, s’il l’annonçait à haute voix.

Les formations rocheuses sont visibles à l’œil nu, mais le coquillage lui-même est représenté d’une façon symbolique. Pour le comprendre, on doit regarder de plus près la broche de Marie : il s’agit d’une pierre encadrée de perles, et à partir de cet endroit, le pan de sa cape part vers la gauche, sa main suit la même direction. Si l’on suit la ligne, on arrive à un palmier dont les feuilles ressemblent à un coquillage ouvert d’une huître perlière.

Pourquoi la femme fait-elle un malaise en entendant des paroles du poète ? ("Virgile lisant l’Énéide à Auguste et Octavia, Jean-Joseph Taillasson)

L’empereur romain Octave Auguste et sa sœur Octavia reçoivent le poète Virgile, venu leur lire un poème glorifiant leur famille. Ils devraient se réjouir d’une œuvre aussi flatteuse, mais à un certain moment Octavia s’évanouit.

Cela est dû au fait que Virgile a mentionné son fils Marcellus, qui au moment des événements n’était plus en vie :

" Vois comment Marcellus, distingué par ses dépouilles opimes,

s’avance en vainqueur, surpassant de la tête tous les héros !

C’est lui qui rétablira la puissance romaine en proie à un grand trouble,

lui le cavalier qui écrasera les Puniques et le Gaulois rebelle,

et consacrera au vénérable Quirinus les troisièmes dépouilles opimes ".

Octavia perd connaissance en entendant ces paroles. Mais à la fin, elle ordonne de récompenser généreusement le poète pour ses poèmes.

Pourquoi l’une des princesses est-elle vêtue de noir? (“Trois princesses des enfers”, Viktor Mikhaïlovich Vasnetsov)

Vasnetsov a peint un tableau basé sur le conte folklorique “Trois Royaumes — Cuivre, Argent et Or”, mais pourquoi l’une des princesses est vêtue d’une robe multicolore, tandis qu’une autre est vêtue de noir ? La réponse est directement liée au destinataire de cette œuvre.

C’était la commande de l’industriel et philanthrope Savva Mamontov, qui a construit le chemin de fer de Donetsk. Les trois princesses sont la personnification des richesses de la terre russe : l’or, les pierres précieuses et le charbon, c’est pour cela que les couleurs de leurs habits sont différentes de celles du conte original.

Voudrais-tu nous parler des tableaux qui t’ont marqué le plus ? Comportent-ils des énigmes ou des détails qui ne sont pas visibles à première vue ? N’hésite pas à nous en faire part dans les commentaires.

Photo de couverture Diego Velázquez / Wikimedia

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