J’ai épousé un Turc et je vais vous raconter toute la vérité sur ma vie à Istanbul

Gens
Il y a 5 ans

Svetlana est une blogueuse russe qui se fait appeler avec humour " Svetlana, la femme du sultan turc ". Elle habite à Istanbul depuis plusieurs années, mais elle est originaire de Saint-Pétersbourg où elle a rencontré son mari turc, qui était en vacances en Russie.

La rédaction de Sympa vous propose d’examiner ensemble, à quoi ressemble la vie d’une jeune femme russe en Turquie. Nous allons découvrir, par exemple, pourquoi le petit déjeuner turc devient dîner et quelle est l’une des traditions américaines que les habitants de la Turquie ne supportent pas.

Je me sens vraiment comme une épouse

Tout le monde a essayé de me faire peur, en racontant des histoires sur les conséquences d’un mariage avec un Turc. Après notre première année de vie de famille, les choses se sont un peu calmées mais les gens ont commencé à me donner de nouveaux conseils encore plus inappropriés comme : “Ne pense surtout pas avoir des enfants avec lui, parce que si vous divorcez, il te les prendra”.

Actuellement nous avons deux enfants. Est-ce que notre relation a changé ? Oui, absolument. Je suis maintenant pleinement consciente que je suis mariée à un homme. “Maman se fait belle, et papa travaille”, c’est ce que je peux dire maintenant après avoir bossé comme une folle pendant douze ans, (5 d’entre eux n’avaient pas de jours de congé ou de vacances).

Maintenant, je n’ai plus du tout à travailler puisque mon mari le fait et fournit à notre famille tout ce dont elle a besoin. Je ressens sincèrement son soutien et sa protection.

Il y a souvent des difficultés de traduction dans la famille turco-russe

J’ai fait la connaissance de mon mari à Saint-Pétersbourg fin 2010, et nous avons tout de suite commencé à nous parler en russe.

“Mensongeuse !”, m’a-t-il dit énervé une fois au téléphone, quand il a vu un nouveau commentaire d’un mec sur une de mes pages sur les réseaux sociaux. “Mensongeuse” venait du mot “mensonge”, il ne connaissait pas encore le mot “menteuse”. Tout ça était drôle pour moi, et je gloussais en cachette.

Tout a changé quelques années plus tard, et je me suis retrouvée moi-même dans une situation semblable. Quand j’éternuais, on me disait : “Chok yeshe” (À tes souhaits), et je répondais : “Sen de get” (Toi aussi tu es un cul).

On appelle mes enfants “monstres” et “sorcières”

“Moche”, “fils de l’âne”, “face de crapaud”, “chiot”, sont tous des termes utilisés pour appeler mon enfant dans la rue, et moi j’écoute ça avec un sourire. Pourquoi ? Ce n’est pas la première fois. Parce que j’ai déjà de l’expérience ! Les gens appelaient habituellement ma fille aînée “horreur” ou “carabosse”.

En fait, en Turquie les gens ont peur de porter le mauvais œil aux bébés et n’osent pas les complimenter avec des mots doux.

Je suis obligée de porter des robes et cuisiner du mouton

Mon mari n’aime pas quand je me balade juste en t-shirt long à la maison (même si je ne vais pas sur notre balcon !). Il dit qu’en Turquie, les bâtiments se situent très proches les uns des autres et que les gens d’en face pourraient me voir.

Il n’aime pas non plus quand je cuisine du porc et en donne aux enfants. Il dit que le porc n’est pas bon pour la santé et que ça sent mauvais. À mon avis, le mouton, sent encore pire.

Les Turcs s’y connaissent en nourriture

Je n’aime pas les petits déjeuners turcs. Au début je me faisais du souci à ce sujet et je pensais, comment être bloggeuse si je n’apprécie pas les petits-déjeuners ? Mais pourquoi diable dois-je manger si tôt, des repas aussi copieux : olives, saucisses, confitures ?

Tous les desserts turcs se ressemblent : beaucoup de sirop de sucre par-dessus. Les plats principaux sont cuisinés avec de la sauce tomate et une grande quantité d’huile. À tous les coins de rues, vous pouvez trouver des vendeurs de kébab appelés shawarma (un plat du Moyen-Orient). Les Turcs l’appellent döner, ce qui signifie “rouler”. Cette méthode originale de cuisson laisse le gras tomber de sur la viande.

Se balader en chaussures à la maison est un véritable crime

Si vous venez chez quelqu’un, vous êtes obligés d’enlever vos chaussures à la porte, sinon, n’essayez même pas d’entrer dans le couloir. Généralement, ici, il n’est pas d’usage de porter des chaussures à la maison. Il n’est donc pas surprenant que les habitudes des Américains choquent la population locale.

Enlevez toujours vos chaussures devant d’entrer dans une mosquée, car elle est considérée comme une maison commune.

Les cadeaux de Noël sont souvent retournés aux magasins

Le premier janvier de chaque année, comme la plupart des gens en Turquie, nous allons dans un centre commercial. Pourquoi ? Pour échanger nos cadeaux. En fait, pendant les fêtes, les Turcs s’offrent des vêtements. Ce n’est pas une surprise, l’industrie vestimentaire fonctionne parfaitement ici.

L’année dernière, mon mari et moi avons offert à nos mères des pulls, et elles nous ont donné des chandails. Les tailles n’étaient pas bonnes pour tout le monde, mais ce n’était certainement pas un problème : en achetant un cadeau, chacun ici demande un bon d’échange, pour qu’après la personne puisse retourner l’article dans n’importe quel magasin de la même chaîne et le remplacer par un autre de plus convenable.

Pour donner une éducation décente à l’enfant, il faut mettre la main à la poche

Je ne vais pas vous mentir, une bonne éducation en Turquie, est soit pour les gens intelligents, soit pour les riches. La maternelle publique n’est accessible qu’à partir de 4 ans et uniquement pour 4 heures par jour (de 8h à midi). En général, si vous voulez laisser votre enfant plus longtemps (comme jusqu’à 17h), il est possible de le faire moyennant des frais.

Dans les écoles privées, vous allez devoir payer pour tout : les repas, l’uniforme et la tenue de sport. En plus, dès la première année, l’enfant porte un iPad à l’école et fait certains devoirs en ligne. Le coût annuel est impressionnant, croyez-moi, c’est à partir de 3000 €, à payer en un versement.

On a souvent recours aux césariennes dans les maternités locales

En Turquie, les femmes accouchent dans les cliniques privées. Les prix sont différents, et peuvent varier de 150 à 300 €. L’assurance obligatoire de l’Etat rembourse partiellement ces dépenses.

La césarienne est une procédure très courante ici pour plusieurs raisons. C’est pratique pour les médecins, et la plupart des femmes ont peur de l’accouchement et demandent elles-mêmes d’être opérées. Les frais d’hospitalisation sont calculés par jour : après un accouchement naturel, on peut vous laisser rentrer chez vous le lendemain, après une intervention chirurgicale, vous devez rester à l’hôpital pendant 24 heures.

Il y a des mariages arrangés

Actuellement, on peut rencontrer en Turquie de jeunes couples qui ne cachent pas leurs relations à leurs parents, voyagent ensemble et louent un appartement ensemble (ce sont surtout des étudiants qui ont déménagé dans une autre ville).

Pourtant, c’est rarement le cas dans les petites villes, qui sont plus conservatrices. A l’Est du pays, les traditions sont très fortes aussi : il y a même des familles qui font des mariages arrangés entre cousins. Avant le mariage, il n’est même pas question de rendez-vous entre les jeunes.

Les dernières années, le tourisme médical se développe au pays

Le phénomène de la médecine turque consiste dans le fait que les technologies et les équipements dans les meilleures cliniques sont comparables à ceux des hôpitaux américains et européens, mais les prix sont 20–30 % plus bas.

Le plus souvent, les gens se rendent en Turquie pour les opérations de chirurgie plastique : augmentation mammaire, modelage corporel, chirurgie du nez ou des lèvres. Parfois, dans les rues d’Istanbul, vous pouvez croiser des hommes avec des pansements sur la tête. Cela signifie qu’ils ont récemment subi une greffe de cheveux.

Encore une procédure populaire ici : le Botox de l’estomac. Ce n’est pas une intervention chirurgicale mais juste des injections qui neutralisent le fonctionnement des certains muscles, ce qui entraîne une perte légère d’appétit.

Les prix en Turquie

Pour planifier votre budget de voyage en Turquie, vous devez tenir compte des principales catégories de dépenses. Prenons, par exemple, un quartier d’Istanbul, Avcılar.

Louer une maison coûte 1000 € par mois, un appartement pour la même durée à peu près 200 €. Louer une voiture (moyenne) coûte 31 € par jour, un vélo 15 € par jour.

Le panier alimentaire pour une semaine coûte 30 € par personne. Une tasse de café coûte 78 centimes, une tasse de thé deux fois moins cher. Le prix moyen pour un dîner dans un restaurant avec vue sur la mer et de l’alcool 43 € par personne, un dîner dans la pizzeria locale coûte 6 €.

N’oubliez pas de visiter un hammam. La plupart sont de vrais monuments historiques. Par exemple, Galatasaray Hamamı (sur la photo) a été construit au XV siècle sur ordre du sultan Bajazet II. Ce hammam est surtout connu grâce à la visite de John Travolta, qui y a laissé un pourboire de 100 euros.

Le moyen de transport le plus pratique pour voyager entre les villes de la Turquie, est le train : il est très confortable et ressemble au TGV de luxe. La première et la deuxième voiture de chaque train, sont justement la première classe, et il est préférable d’acheter ces billets-là qui ne coûtent qu’environ 50 % plus cher. Dans la première classe, il n’y a que 16 sièges, un Wi-Fi gratuit, un repas et les boissons gratuites servies toutes les 30 minutes.

Au marché, il ne faut pas faire confiance, mais vérifier

Les Turcs sont de beaux parleurs, ils savent comment faire de petits cadeaux et “d’énormes” rabais, mais il est vrai aussi qu’ils sont très malins et sournois. Vérifiez toujours vos sacs de courses qui sont soigneusement fermés par le vendeur. Choisissez vous-même les fruits et légumes au marché, c’est votre droit. C’est ce que font les locaux, et s’ils trouvent des tomates pourries dans leur sac, ils peuvent les jeter à la face du marchand.

Sur les traces de l’intelligentsia russe

Au début du XX siècle, le public qui arrivait à Istanbul était formé de gens intelligents mais le plus souvent ruinés et chassés par la Révolution. C’est à cette époque qu’est apparue une taverne La Rose noire, où chantait Alexandre Vertinski. Les Turcs ne comprenaient pas les paroles des chansons russes mais se pâmaient devant ses intonations originales. Pas loin de cet endroit, il y avait un resto russe Rejance, où on servait les beignets et du bortsch. Ici se réunissait l’intelligentsia russe d’Istanbul.

Sur cette photo je suis justement à côté de Rejance. Il est fermé depuis 2011, et les locaux sont occupés par des bureaux. La Rose noire est fermée aussi. On peut trouver les bâtiments où se trouvaient ces établissements, sur la rue Isticlal qui commence sur la place Taksim.

Les signes qui font de vous un vrai Turc

Vous pouvez pleinement vous considérer un vrai Turc si :

  • après avoir bu votre café du matin, vous renversez aussitôt la tasse pour apprendre ce que le destin vous réserve ;
  • à la vue des invités-surprise à votre porte, vous simulez une joie exubérante, pour que les invités croient que vous avez préparé votre gâteau maison spécialement pour eux ;
  • vous n’êtes pas en retard, vous êtes retenus (à quoi bon d’être aussi ponctuel et stressé par toutes ces limites horaires ?) ;
  • dans un café avec les amis, vous ne partagez pas l’addition, vous vous l’arrachez en apportant des arguments, pourquoi c’est vous qui devez payer aujourd’hui pour tout le monde ;
  • en conduisant la voiture, vous ne vous empêchez pas de klaxonner pour recadrer les autres (sortir la tête par la fenêtre et crier, ça marche aussi) ;
  • le yaourt pour vous, ce n’est pas un dessert mais un complément pour n’importe quel plat chaud ;
  • vous faites un bisou pour dire bonjour et au revoir, même si vous rencontrez la personne pour la première fois.⠀

Bonus : une petite interview avec mon mari

Aujourd’hui mon mari a accepté de me donner une petite interview, la première fois dans sa vie et exclusivement pour vous.

— Qu’est-ce que l’amour pour toi ? ⠀
— Adorer, apprécier et... respecter.

— On dit qu’il faut goûter à tout dans la vie. Est-ce qu’il y a des choses, auxquelles tu ne voudrais jamais goûter ?
— Je ne vais jamais goûter le hareng en fourrure (rit), et aussi ce machin de gelée dégueu avec de la viande (l’aspic — note de l’auteur). C’est pas mon truc du tout, bien que je me considère une “personne cosmopolite”.

— Comment tu vois ta vie dans 20 ans ? ⠀
— Mes enfants seront déjà étudiants. Je veux voyager beaucoup dans le monde entier avec mes enfants et ma belle femme.

Et vous, oseriez-vous changer radicalement votre vie et vous marier avec une personne d’un pays étranger ?

Photo de couverture svetlana_istanbul / instagram

Commentaires

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après il faut savoir s'adapter à une autre culture, pratiquer une autre langue que la sienne au quotidien

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Peu importe la nationalité si vous avez les mêmes opinions politiques, les mêmes valeurs et les références culturelles (là c'est plus compliqué)

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