Une histoire sur la gentillesse qui montre que nous jugeons souvent mal les gens

Gens
Il y a 4 ans

La grande partie d’entre nous a toutes sortes de stéréotypes en tête, car qu’on le veuille ou non, au premier regard, on a bel et bien tendance à juger une personne en fonction de son apparence ou de son mode de vie. Mais évidemment, c’est loin d’être la meilleure solution. Dans son histoire nommée La Coquille, l’écrivain russe Sergey Kobakh essaie justement de nous transmettre cette idée. À la fin, il avoue d’ailleurs qui lui a inspiré l’un des héros de son œuvre. L’histoire qui suit est donc tout ce qu’il y a de plus réelle.

Chez Sympa, nous apprécions la vraie gentillesse, et nous pensons même que c’est elle qui sauvera le monde.

De jeunes garçons entrèrent dans l’immeuble avec un énorme carton. En réalité, le carton était petit, mais les enfants n’ayant pas plus de 10 ans, la boîte semblait énorme dans leurs petites mains. Ils portaient des vêtements d’hiver : bonnets de laine sur la tête, chaussures fourrées aux pieds, et des espèces de manteaux ou pardessus à l’aspect très vilain. Bref, ils avaient ce look commun aux petits voyous de quartier.

— “Monsieur !”, me dit celui qui avait les mains libres en me tirant par la manche. “Vous ne voulez pas un chiot ?
— Non, pourquoi ? Vous vendez ces chiots ?
— Non, monsieur, quelqu’un les a laissés sous l’escalier dans ce carton, et ils n’arrêtent pas de pleurer... On dirait qu’ils sont abandonnés.”

J’ouvris l’un des battants du carton que le deuxième garçon tenait collé contre sa poitrine. Du fond de la boîte sombre et malodorante, cinq petites paires d’yeux me regardaient. Ces chiots étaient ronds et grassouillets, et ils avaient de toutes petites queues. Ils ne pleuraient pas, ils m’ont juste regardé de bas en haut, en pensant à je ne sais quoi.

— “Non, les enfants, je n’en ai pas besoin. J’ai déjà deux chats à la maison. J’ai peur qu’ils ne s’entendent pas avec des chiens.”

L’excuse des “deux chats” a été entendue avec compréhension. En soupirant, les enfants ont refermé leur boîte et ont repris leur chemin, emmenant leur cargaison vivante à la recherche de nouveaux maîtres.

— “Driiiinnng...” fit alors la sonnette de la porte de mes voisins. Au bout d’une trentaine de secondes, la porte s’ouvrit, et mon voisin apparut sur le seuil. Je ne sais pas ce qu’il fait dans la vie, mais à première vue, il avait une tête de responsable d’une petite usine de vêtements pour femmes. Il était toujours bien habillé et portait fréquemment une mallette à la main. Je me souviens aussi d’une espèce de mimique angoissée qu’il faisait lorsqu’il touchait la poignée de la porte d’entrée de l’immeuble. Et il faisait souvent des commentaires sur les autres, rappelant qu’il ne faut pas “fumer dans l’ascenseur”, “ne pas cracher” et “ne pas jeter de détritus”. Un homme sympa, quoi.
— “Qui êtes-vous ?”, dit mon voisin en regardant ces enfants sales et en faisant sa grimace habituelle.
— “Monsieur, vous ne voudriez pas un chiot ?”, demanda l’un des petits garçons, comme pour tenter sa chance. “Regardez comme ils sont beaux !” Et, pressé de montrer la beauté naturelle de ces chiens, il ouvrit le carton.
— “Fichez le camp, petits monstres ! Et gardez vos puces avec vous !” Le garçon plissa les yeux sous les cris du voisin, et les chiots se blottirent les uns contre les autres, en essayant de s’enfoncer encore plus profondément dans leur boîte. “Ramenez-les ici une fois de plus, et je les jette dans les escaliers !”

Les garçons s’éloignèrent en vitesse de cet appartement pour le moins inhospitalier, tout en portant leur carton duquel on voyait dépasser cinq petites queues.

— “Essayons ici !” suggéra alors l’un d’eux. “C’est une dame qui vit ici. Peut-être qu’elle en prendra un. Ou peut-être même deux...” spécula-t-il, l’air rêveur.
On entendit comme un long soupir sortir du carton.

— “Ding-dong...” fit la sonnette, et la porte s’ouvrit presque immédiatement. La dame en question était visiblement sur le point de sortir, c’est d’ailleurs pour ça qu’elle avait ouvert aussi vite.
— “Vous ne voudriez pas un petit chien ? Ils sont gentils et très mignons !” dit le même garçon que d’habitude en sortant l’un des chiots du carton, en pensant qu’une fois dans ses mains, ce cadeau serait plus présentable.

Une lourde gifle claqua alors juste en dessous des mains qui tenaient le chiot. L’animal jappa très fort et vola dans les airs, secouant ses petites pattes en l’air. Mais le garçon parvint tout de même à le rattraper au vol et à cacher la petite boule de poils apeurée sous sa veste.
— “Revenez ici une fois de plus, et je vous descends en bas des escaliers par la peau des fesses ! Avec vos chiens puants !”
La porte claqua, et les garçons continuèrent à monter les étages.

— “Ce sont vraiment des chiens ? Ce sont encore des bébés !” dit l’un des voisins, perplexe.
On entendit ainsi les sonnettes retentir plusieurs fois, puis les gens crier, et les portes se refermer. Personne ne voulait de ces chiots. Et étant donné qu’il faisait — 40 ºC dans la rue, leur avenir était tout vu : mourir gelés dans le rez-de-chaussée de bâtiment glacial. En fait, c’était là que ces deux enfants ont découvert les chiots, laissant sur place leurs deux cartables d’école afin de monter plus facilement ans les escaliers.

Une heure plus tard, il ne restait plus que l’appartement d’Alex, l’alcoolique de l’immeuble. Ils l’avaient gardé exprès pour la fin, parce qu’Alex était un homme effrayant, avec un très mauvais caractère et un regard de bête sauvage. On ne peut pas vraiment être certains qu’il était alcoolique, mais oui, il sentait toujours l’alcool... Et ses réactions étaient complètement imprévisibles. Les enfants l’ont donc, à juste titre, gardé en tant que dernière chance, en imaginant que non seulement, ils recevraient une avalanche d’insultes, mais qu’ils risquaient aussi de se faire frapper. Alex n’aimait pas les gens, et les gens le lui rendaient bien. Mais il y avait tout de même une différence entre lui et les autres : Alex n’avait pas peur des autres, alors que les autres avaient tous peur de lui. Comment ne pas avoir peur d’un homme si fort, toujours ivre et mal rasé, qui vous fixe avec un regard de loup-garou ?

— “Toc, toc, toc...” Le simple fait de frapper si prudemment à cette porte montrait que l’espoir de trouver un foyer pour ces chiots avait presque complètement disparu. Et aussi que la sonnette ne fonctionnait pas.

Derrière la porte, on entendit une insulte à moitié étouffée, puis quelque chose tomber. On entendit ensuite le bruit de quelqu’un se lever, et la porte s’ouvrit. Deux gros yeux furieux se posèrent alors sur les enfants.

— “Quoi ?”, hurla le visage rouge qui empestait l’alcool. — “Qu’est-ce que vous voulez ?”
Les garçons, dont les genoux tremblaient de peur, avaient complètement oublié ce qu’ils voulaient dire, et pourquoi ils étaient là. Ils regardèrent silencieusement cet ogre, totalement pétrifiés, et ils eurent même peur de penser à ce qui allait se passer.

— “Ces... heu... Vous n’en voulez pas ?” Bégaya d’une voix tremblante celui qui portait le carton. Pendant ce temps, son ami fermait simplement les yeux, imaginant ce qui allait se passer, tout en se rendant compte qu’ils n’auraient plus le temps de s’échapper. Mais son désir de sauver ces chiots prit le dessus sur la peur. “Prenez-les. S’il vous plaît. Sinon, ils mourront.”

Alex regarda les garçons, puis il regarda le carton, et il tendit lentement ses mains sales et poilues.
Et quelque chose de terrible s’est alors produit, terrible comme la vérité qui éclate : les enfants ont soudainement compris qu’une bonne personne n’est pas celle qui paraît belle à l’extérieur, mais celle qui est belle à l’intérieur. Même si elle est alcoolique, impolie et asociale.

Alex a finalement gardé les cinq chiots. Pendant toute la semaine qui suivit, on a pu le voir transporter des paquets de lait, des croquettes pour chiens et tout un tas d’autres choses. Et puis, près du parking où il travaillait comme gardien, il a construit une petite niche en bois afin d’y reloger ses nouveaux amis poilus. Et aujourd’hui, ce ne sont plus des chiots qui jappent, mais toute une meute de gardiens sérieux, obéissants et loyaux.

Alex n’a pas changé. Il boit toujours et regarde encore les gens avec hostilité. Et il n’y a que parmi les enfants du quartier qu’il jouit maintenant d’un respect et d’une reconnaissance incontestables. Et au cas où vous ne le savez pas, le respect des petits voyous du quartier est très difficile à gagner.

P. S : J’ai écrit cette histoire simplement pour me rappeler que tout ce qui est visible à l’extérieur n’est qu’une coquille. Le plus important, c’est ce qu’il y a à l’intérieur. D’ailleurs, je ne pouvais pas ne pas l’écrire, car en fait, l’enfant qui portait le carton, c’était moi, en 1984.

Alors, que penses-tu de cette histoire ? Ça t’es déjà arrivé de mal juger une personne à cause de son apparence, et de te rendre compte plus tard que tu t’étais trompé ? Peut-être même que tu as toi-même déjà été victime d’un jugement un peu hâtif ? Laisse un message dans les commentaires afin de nous parler de tes propres expériences, et bien entendu, n’hésite pas à partager cet article avec les personnes de ton entourage !

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