Et Si Ton Corps Devenait Absolument Plat ?

C’est curieux
Il y a 1 an

“La chose la plus difficile au monde, c’est de sortir d’un lit bien chaud tôt le matin... La seconde chose la plus difficile au monde, c’est de s’asseoir à un bureau et de se forcer à travailler... C’est vachement dur de lire un gros bouquin ou de faire sa propre cuisine. C’est quasiment impossible de gagner de l’argent. Faire du sport ? Ça relève du fantasme. Garder un chien à la maison et le promener plusieurs fois par jour ? C’est tout simplement insensé. Comment font les gens pour encaisser cette vie si difficile ?”

Presque chaque jour, Louis pense ces choses-là. Et il est la personne la plus paresseuse au monde. Il n’aime qu’une seule chose : regarder des séries télé et des films.

Et c’est ainsi qu’un jour, il se réveille dans un corps plat en 2 dimensions. Le volume de ses muscles et de ses os a diminué de près de 99 %. Il ne peut pas éteindre son réveil, car son corps n’est pas assez épais et émet à peine de chaleur... Face à la sonnerie constante du réveil matin, il essaie de retirer la couverture. Mais elle est trop lourde pour lui ! Louis sort de son lit en rampant. Il se regarde dans le miroir avec horreur, se met de côté et devient presque invisible. Il essaie de crier, mais sa voix ressemble à un pet de moustique ! La porte du réfrigérateur est aussi lourde que celle d’une chambre forte ! Une pomme sur la table pèse autant qu’une paire d’haltère. Louis a besoin d’aller aux toilettes mais il ne peut pas appuyer sur la poignée... Heureusement, il est assez mince pour se faufiler dans l’interstice entre la porte et le mur.

Il faut bien qu’il aille au travail, mais il doit d’abord manger quelque chose. Il voit les miettes qu’il n’a pas nettoyées du dîner de la veille. Il les ramasse et en avale quelques-unes. Son estomac est incroyablement étroit maintenant, alors deux minuscules miettes lui semblent aussi lourdes que deux pleines assiettes de spaghettis. Maintenant, il a besoin de boire de l’eau. Toutes les bouteilles sont fermées, et il n’a pas la force de dévisser le bouchon... Heureusement, de l’eau coule tout le temps du robinet. Louis ne boit qu’une goutte mais il a l’impression d’avoir avalé deux canettes de soda.

Il quitte la maison, traverse la route en courant et se fait renverser par une voiture. Notre homme est invisible pour le conducteur car il se tient de côté. Mais grâce à son poids infime, Louis ne subit aucun dommage. Il s’envole sur le côté, mais il ne peut plus atterrir. Le vent souffle et entraîne Louis. Il essaie de s’accrocher aux lampadaires et aux feux de signalisation, mais ses mains toutes fines sont trop faibles. Le vent l’emmène de plus en plus haut. Louis vole en passant devant les oiseaux et les étages des immeubles. La température devient trop basse pour son corps. Il gèle littéralement, mais le vent change de direction et finit par le faire redescendre.

Quelqu’un jette une peau de banane par la fenêtre. Louis la saisit et l’utilise pour descendre en toute sécurité. Il atteint enfin la route et attache la peau de banane à ses lacets. Il marche lentement, car c’est dur. La peau semble aussi lourde qu’un wagonnet chargé de briques. Il traverse la rue et tombe chaque fois que les gens le bousculent. Louis leur répond en criant, mais ils ne l’entendent même pas. Épuisé, il arrive à son bureau. Le patron gronde Louis pour son retard. Les petites oreilles de Louis sont maintenant sensibles à toutes les ondes sonores, alors les mots du patron semblent très forts et très graves, comme s’ils provenaient d’un grand haut-parleur. Le patron ne se soucie guère que Louis soit littéralement à plat. Ce qu’il veut c’est du rendement et de la flexibilité.

Louis essaie de prendre une pile de papiers, mais c’est bien trop lourd, alors il déplace une feuille à la fois sur son bureau. Chaque page pèse autant que dix skateboards empilés pour lui ! Il déplace trois documents et a l’impression d’avoir couru un marathon. Puis il s’assoit devant son ordinateur, mais le clavier ne fonctionne pas... Il n’y a pas assez de pression sur les touches. Louis doit faire beaucoup d’efforts pour imprimer quelque chose. C’est la fin de la journée, et Louis n’a fait qu’1% de tout son travail. Il se rend à la cuisine du bureau, voit un délicieux sandwich, mais ne peut même pas y mordre complètement. Il sépare de minuscules morceaux de salade et de pain. Ça suffit à le rassasier. Il remarque que ses cheveux sont couverts de givre. Une stalactite pousse sur le bout de son nez. Pourquoi l’âge de glace a-t-il commencé au bureau ? Oh, c’est juste que le climatiseur a fait baisser la température d’un degré... Mais notre héros est sensible aux moindres fluctuations de l’air.

Épuisé, il quitte le bureau et pénètre dans l’ascenseur. Une foule de gens le presse de tous côtés. Une goutte de sueur provenant du cou de son voisin tombe directement sur Louis. Tel une feuille de sopalin, il absorbe presque toute la goutte. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent et Louis ressort rapidement. Il court dans la rue. Le vent est assez fort, mais la peau de banane le maintient au sol. Il commence à pleuvoir. Quelques gouttes seulement tombent sur le sol, mais Louis est déjà trempé jusqu’aux os. Quelques secondes plus tard, il a l’impression de se trouver sous une cascade. Il a du mal à avancer. Il décroche la peau de banane et tombe épuisé sur le sol...

Il se réveille quelques heures plus tard. Le soleil brille à travers les nuages. Louis est complètement sec. Il a l’impression d’être au beau milieu d’un désert. Il essaie de lever la main, mais sa peau est si sèche qu’elle le fait souffrir. À ce moment-là, un chien errant s’approche de lui. Il lèche Louis de la tête aux pieds. Il se lève, caresse le chien et rentre chez lui. L’animal le suit. Louis se faufile dans l’appartement sous la porte et s’affale dans son lit.

Le lendemain matin, le réveil sonne bien trop fort, comme à son habitude. Louis essaie de l’éteindre et ressent une douleur terrible dans tout son corps. Ses muscles ont été sacrément sollicités la veille. Louis voudrait crier, mais il ne peut pas ! Alors, il pleure. Il est terrifié à l’idée de ne pouvoir littéralement plus rien faire. Il passe plusieurs jours au lit et ne se lève que pour aller aux toilettes et remplir son estomac de miettes de pain et d’eau du robinet. À un moment donné, il réalise qu’il ne peut tout simplement plus vivre comme ça. La nourriture exquise, les boissons délicieuses et un mode de vie ordinaire lui manquent terriblement. Il décide de se jeter corps et âme dans la musculation. Chaque jour, il fait des pompes, des squats et des tractions. Ses muscles ne sont plus aussi minces. Et à présent, après deux mois d’entraînement intensif, il arrive à soulever le couvercle de son ordinateur portable. Au travail, il parvient à amener trois feuilles de papier à la fois sur son bureau, et peut taper jusqu’à deux cents mots par jour. Il lit chaque document et comprend que son travail n’est pas si ennuyeux ou inutile. Le patron remarque la motivation de Louis et lui accorde enfin une augmentation.

Notre héros chaparde de petits morceaux de légumes et de jambon dans les sandwiches des autres. Mais il est convaincu qu’il sera capable de préparer le sien tôt ou tard. Chaque jour, le chien l’accompagne de la maison au travail. Lorsque le vent souffle fort, il s’accroche à sa fourrure. Il est maintenant assez costaud pour déverrouiller à nouveau sa porte d’entrée, ce qui signifie qu’il peut laisser le chien entrer dans sa maison. Les entraînements quotidiens et la persévérance finissent par rendre Louis heureux. Il se sent mieux qu’à l’époque où il avait un corps normal. Un mode de vie aussi actif incite Louis à lire plus de livres. Il s’avère que la littérature est passionnante...

Et c’est ainsi, qu’un jour, il se réveille en 3D. Il se sent comme un super-héros, prêt à devenir le plus grand cuisinier du monde, à gagner plein d’argent et à remporter une médaille olympique dans n’importe quel sport. Il peut tout faire ! Pourquoi ne l’a-t-il pas réalisé avant ? Maintenant, la vie semble fascinante et pleine de sens.

Mais là tout de suite, il préfère allumer son ordinateur portable pour commencer à regarder une nouvelle série. “Un petit épisode d’abord, et toutes les bonnes résolutions juste après”, se dit-il. Sauf que Louis a pris l’habitude de fournir des efforts démesurés rien que pour ouvrir un bouchon quand il était en 2D. Et maintenant, il détruit accidentellement son ordinateur ! Tant mieux pour lui ! Il se rend compte que c’était un piège à fainéants, et jure qu’on ne l’y reprendra plus.

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